mercredi 26 février 2014

Running from a lucky past

Dans la collection "retour en 2005", je vais reparler de Maxïmo Park.

Si à la sortie de leur premier album, personne n'avait crié au génie (à raison d'ailleurs), s'y replonger aujourd'hui donne l'occasion d'admirer des compositions calibrées qui ont bien mieux vieillies que celles d'autres groupes plus huppés à l'époque.

Sur leur deuxième essai, le groupe parvenait à faire encore plus tubesque, mais soulevait ses premiers problèmes, dont on peut trouver évocation dans le "I'm not a man, I'm a machine" de Our Velocity : qui de l'homme ou de l'électronique prendra le dessus ? Après l'excellente défense de l'album sur scène, on avait bien envie de répondre l'homme, mais le groupe s'était perdu dans la machine par la suite : il y avait peu de choses à sauver de Quicken the Heart, et même du point de vue scénique il manquait quelque-chose. Tant et si bien que j'avais complètement ignoré le 4ème album (il faut dire que le faux clip maison de Hips and Lips, à base de poupées gonflables ne donnait pas spécialement envie) et le solo de Paul Smith.

Mais ça c'était avant de tomber sur Leave this Island, qui parvenait à retrouver un équilibre avec une voix plus posée et des envolées synthétiques qui ne sonnaient pas hors de propos pour une fois, même le Brain Cells sans guitare en face B sonnait vrai. Je me suis donc dirigé vers Too Much Information malgré sa pochette hideuse (de ce point de vue là, la baisse de qualité est constante depuis le premier album).

L'album est une réussite, ce n'est plus du "à toutes berzingues" de bout en bout mais les temps forts et faibles du disque sont parfaitement maitrisés, la voix de Paul Smith parfaitement placée de bout en bout et c'est vraiment cette souplesse vocale qui porte l'album. My Bloody Mind est l'exemple parfait de cette impressionnante souplesse : car savoir changer de registre en cours de morceau pour un groupe est une chose, pour le chanteur, réussir à suivre en est une autre, et pourtant ce bon Paul s'en sort à merveille !

Même si l'album s'avère quelque peu inégal (la face A est un bon cran au dessus), il signe un excellent retour de la part d'un groupe qu'on aurait pu croire perdu.

They say that the world was built for two, ou comment je n'ai rien compris à Fauve

J'aime le débat, les choses qui ne font pas l'unanimité, et en général j'aime donner mon avis, tranché ou non (en général tranchant) sur le sujet, même si c'est rarement sur ce blog (à l'exception peut-être de mon article d'il y a deux ans sur la fermeture de Megaupload). Et si il y a un groupe qui fait débat et ne laisse pas indifférent ces derniers temps, c'est bien Fauve.

Ma découverte du groupe remonte à environ un an. Comme beaucoup, la première écoute des Nuits Fauves a déclenché une grosse curiosité, je n'avais pas mordu à l'hameçon pour d'autres avant eux qui avaient joué la carte de l'indépendance : pas de presse, pas de label, mais là, leurs références rap et foot m'avaient eues au moins temporairement, parce que si la musique intrigue très vite, elle lasse rapidement aussi.

Au moment de la sortie de l'EP, je prévoyais un article que je n'ai jamais écrit opposant deux aspects développés sur sa vingtaine de minutes. D'une part le groupe était un peu aux adolescents ce que Marc Lévy est aux ménagères : un contenu pas éblouissant et chargé de poncifs mais auquel on ne reproche rien parce qu'il les fait se sentir mieux (et avec le trou de la sécu, tout ce qui réduit le nombre de consultations de psychologues et la consommation d'anti-dépresseurs est bon à prendre). D'autre part, l'album se conjuguait vraiment au pluriel, avec un franc encouragement aux auditeurs : Osez !

J'avais des éléments de compréhension, mais au fond, il m'en manquait énormément, et ça, je l'ai constaté juste avant la sortie de l'album : j'ai fêté mon anniversaire que je partage avec ma cousine, de six ans ma cadette. On s'entend à merveille, mais force est de constater que ce n'est pas grâce à nos goûts communs en matière de musique : elle a assisté au concert des Jonas Brothers et m'a offert un poster de Justin Bieber, auquel elle reste fidèle malgré ses frasques, tout comme à Miley Cyrus. Du coup quand elle m'a dit qu'il fallait que je retrouve un boulot à Paris, et par extension, un logement là-bas d'ici mai, la dernière réponse que j'attendais à mon "Pourquoi ?" était bien entendu "Pour m'héberger pour le concert de Fauve".
D'un seul coup, ma sous-estimation complète de la portée du groupe éclatait au grand jour. Il faut bien avouer que j'avais déjà eu des surprises sur Facebook : ça ne me viendrait pas vraiment à l'esprit d'inviter mes différents amis fans du groupe à une même soirée.

En réalité, malgré une musique pas évidente d'accès et en décalage avec la pop aussi bien francophone qu'internationale, Fauve a une visibilité énorme qui leur permet de s'inscrire dans l'exception culturelle française mais avec une transversalité assez rare. Une chose est sûre : le fait que leur musique draine un public d'influences aussi diverses, tout en étant à ce point éloignée des conventions ne peut qu'annoncer du positif, et ce sans même parler d'apprécier les chansons.

Les chansons, parlons-en justement, il y a deux degrés d'écoute : au casque pour constater l'efficacité instrumentale, sans trop d'originalité mais avec des lignes de basse entêtantes. Ce premier degré est vraisemblablement assez peu privilégié face au second : l'écoute avec un système d'enceintes bien mais pas trop énorme, voir avec un portable, qui oblige à se concentrer sur le texte, et c'est là que ça se mitige, avec certains passages où l'on s'attend d'un moment à un autre à entendre le mot aware, tant ils font penser aux élucubrations de Jean-Claude Van Damme. Le côté "brut de décoffrage" du texte emprunté au fauvisme peut vite lasser, mais surtout, l'adhésion suppose d'accepter l'existence de certains concepts comme celui d'âme sœur, en filigrane sur une partie des morceaux. Il faut avoir choisi comme protection face à l'adversité, l'idéalisme qui ne censure pas mais incite à la passivité, plutôt que le cynisme qui pousse à ne compter que sur soi-même pour avancer. Car cet album exprime un idéalisme quasi-sectaire, et divise donc autant qu'il rassemble des gens que l'on n'imaginait pas rassembler.

Reste donc à voir ce que deviendra le groupe : parviendra-t-il à gérer un public aussi diversifié ? Et qu'est ce que deviendra ce public ? les portes s'ouvriront-t-elles pour ceux parmi eux qui créent, et oseront-ils les enfoncer ?

lundi 3 février 2014

Handle with care

J'ai toujours eu plein de bonnes excuses pour ne pas écrire d'articles j'en ai manqué pour cet énième article de retour.
Pourtant j'étais en recherche d'emploi, je manquais donc quelque peu d'excuses, et pourtant j'ai bougé un peu, j'ai revu les Sparks et Wire à Paris, j'ai vécu mon festival des Inrocks à la plus haute moyenne d'âge dans le public à Nantes et j'ai suivi Anna Calvi dans sa tournée des villes moisies en allant jusqu'à Angers (ville où, au passage je passe les premiers mois de 2014, et qui doit encore me convaincre de sa qualité culturelle, parce qu'une ville qui met des enceintes pour diffuser de la soupe dans son centre-ville, y a comme un problème ...). J'ai aussi pris de vraies vacances, pour la première fois depuis plus d'un an, ce qui va m'amener à la suite de l'article.

Car l'idée de cet article, c'est de parler, parmi toutes les soirées que j'ai vécues ces derniers mois, de celle où je me suis retrouvé quelque-part entre l'Europe de l'Est et Leipzig, à Berlin.
En tant que monomaniaque convaincu, je suis allé voir sur LastFM ce qu'il se passait, et l'occasion s'est présentée de rattraper mon passé avec les Wave Pictures, dans cette même ville.
En effet, si techniquement, j'avais déjà vu le groupe lors d'un festival magique ici même, dans les faits, le charme sombre des maturités estivales, associé à l'ambiance au top niveau de la night (ouais, j'associe Verlaine à Willy Denzey sans aucun scrupule) m'avaient amenés à boire un peu plus que de raison ce soir là, et avaient de ce fait pas mal limité mes souvenirs du concert. Revenir sur les lieux du crime pour revoir le groupe à plus de 50% de mes capacités, ça n'avait pas de prix (et puis, même au guichet c'était pas bien cher).



La première partie, sur laquelle je vais m'étendre, Skiing, est du cru, on sent d'ailleurs qu'ils ont des potes dans la salle, et la montée sur scène de ma voisine de fosse, que j'avais particulièrement soupçonnée (Susanna du groupe Brabrabra, pour la petite histoire), m'a confirmé la qualité de mon instinct en la matière.
On sent dans leur musique une assez importante influence Game Theory (ou alors c'est juste que ça m'a marqué puisque c'est aussi une de mes découvertes de ces derniers mois ...), autant dans la voix de fausset que dans le son de guitare. Mais ce qui marque c'est la recherche dans le jeu, terme qui doit ici être compris aussi bien dans son sens technique que ludique : on a parfois l'impression de voir des enfants se dire : "tiens, et si je fais ça, ça donne quoi ?", sauf que toutes ces expérimentations servent la musique sans divergences, tant elles s’inscrivent dans une composition de qualité.

De mes vagues souvenirs concernant le premier concert , je me souvenais quasi uniquement d'avoir chanté Spaghetti et Seagulls, sur l'album Long Black Cars. Ces souvenirs devaient au moins être de qualité, puisque le concert commence avec le dit Spaghetti, la suite fait regretter les souvenirs parcellaires : les titres de Long Black Cars fonctionnent tous à merveille, que ce soit Stay Here & Take Care of the Chickens, My Head Gets Screwed On Tighter Every Year (mon boulot en ce moment c'est de faire rentrer des articles dans une limite de caractères assez pesante, donc quand je peux sortir des titres de chanson à rallonge à côté, j'en profite !), ou encore Give Me A Second Chance, l'un des titres où le groupe lâche son arme secrète : le batteur chantant !
Même si les morceaux du dernier album sont un peu en deçà du reste, l'engagement total du groupe est partagé avec le public : les frissons montent au moment où toute la salle reprend en chœur le refrain de Strange Fruit For David.

Un concert qui laisse donc heureux, avec quelques regrets toutefois, parce que ça aurait même pu être la deuxième vague de souvenirs, donc retenez bien la leçon les enfants : même si l'ambiance s'y prête, consommez toujours avec modération !